Supermarchés, bons et mauvais points
Ce que semble promettre le Grand Projet, c’est qu’au jour J+1, on pourra aller au supermarché, remplir son caddie et sortir sans passer par la caisse. C’est très peu probable. Les produits ne cesseront pas d’être marqués d’un code barre, puisque c’est un système qui permet entre autre de gérer les stocks et les commandes, donc il sera indispensable pour les gérants de ces magasins de savoir au jour le jour la nature et le nombre des produits qui sortent. C’est pourquoi, même si on ne devra plus payer, on devra passer par la caisse, qui aura sans doute un autre nom, pour faire scanner tous les produits. Par la même occasion, l’acheteur (là aussi il faudra trouver un autre mot, le client) sera lui aussi scanné. Il devra présenter sa carte de membre, son passe vaccinal (qui d’ci là aura espérons-le aussi un autre nom), ou sera automatiquement identifié par une caméra de reconnaissance faciale ou grâce à la puce ou les nanoparticules identitaires qu’on lui aura obligatoirement injecté pour être autorisé à pénétrer dans le supermarché, ou même tout simplement à vivre en liberté (il faudra aussi redéfinir ce que cela signifie) dans ce pays. Si certains produits sont rationnés, ou sont interdits à certains moments ou pour certaines personnes, ils ne passeront bien sûr pas le contrôle. On pourrait imaginer qu’ils déclencheront une sirène et des lumières clignotantes rouges afin que le fraudeur soit bien culpabilisé au vu de tous les autres clients. Bien sûr, c’est peut-être encore de la fiction, mais sait-on vraiment ce que la perversité humaine nous réservera dans le futur.
Bons et mauvais points
Donc tous nos « achats » seront précisément répertoriés et comptabilisés par les ordinateurs d’un service de contrôle, national ou mondial, qui aura remplacé les administrations fiscales. On pourra ainsi connaître précisément les habitudes de chacun, et reconnaître ceux qui auraient tendance à abuser du système de consommation libre et gratuite. Certains fonctionnaires zélés pourraient alors imaginer, à partir de ces données, de donner ou de retirer des points à la note qui permettra de classer les gens en bons ou en mauvais citoyens. Cela permettra de donner des privilèges aux bons citoyens et d’en enlever aux mauvais. Il n’y aura bien sûr pas que les « achats » dans les supermarchés qui interviendront dans l’attribution des notes, mais toutes nos actions quotidiennes, puisqu’il y aura partout des caméras de surveillances, des radars et toutes sortes de scanners, sur la voie et dans les lieux publiques, dans les lieux de travail et aussi pourquoi pas dans nos logements. Ainsi, une infraction au code de la route, une inattention ou une interruption intempestive de son travail, une réponse grossière à son épouse ou une gifle à son enfant seront automatiquement pénalisés au tarif en vigueur. Par contre, les heures supplémentaires, la participation à des travaux pénibles ou dangereux, l’assistance aux malades et aux personnes âgées et toutes les bonnes actions, et pourquoi pas la délation, donneront des bons points. Nous ne souffrirons peut-être plus des malheurs causés par l’argent, mais de ceux, comme ce genre de scénarios, qui pourraient se produire tout autant dans un monde avec ou sans argent.
11 janvier 2022, Chiang Mai