Propriété foncière
Une forme de désir ou de besoin est l’attachement, qui est le désir, ou le besoin, de conserver ce qu’on a déjà acquis, d’une manière ou d’une autre, dans le passé, et qu’on considère comme sa propriété. Dans nos sociétés modernes, la propriété est un droit, et elle est réglementée et protégée par la loi. Pourtant, si on y réfléchit, la notion de propriété est assez abstraite, et ne semble pas être en accord avec les lois de la nature. Mais les lois imaginées par l’homme, pour satisfaire des désirs égoïstes (ou ceux de son espèce) sont rarement en accord avec les lois de la nature. L’ignorance, un des trois poisons qui afflige l’homme ordinaire, avec l’avidité et la malveillance, est précisément l’ignorance des lois de la nature, c’est-à-dire de la véritable nature de la réalité.
Envisageons d’abord l’attachement à des objets matériels, et leur propriété. Ces objets sont soit naturels (ils existent tels quels dans la nature) ou fabriqués par l’homme (avec au départ des matières premières naturelles, et avec les compétences du cerveau humain, qui est un organe naturel). Ces objets peuvent également être des êtres vivants, des animaux et dans certains cas des êtres humains. Ces objets, on a pu les acquérir de différentes manières, plus ou moins honnêtes : les hériter, les recevoir en cadeau, les échanger, les acheter, les prendre ou les voler, les créer ou les fabriquer (avec des matériaux acquis aussi de différentes manières). De la même façon qu’on peut les acquérir, on peut aussi céder ces objets, ou les détruire (la destruction étant une transformation).
Il faut noter qu’une des caractéristiques des objets matériels, c’est qu’ils sont impermanents, c’est-à-dire qu’ils ont une durée de vie limitée, après laquelle ils vont se détériorer, se transformer ou disparaître. Un fruit à une durée de vie courte de quelques jours, et une construction en pierre peut durer des millénaires.
Une des premières bases de nos sociétés sédentaires, c’est la propriété foncière. Elle est régie par des lois très précises, et différentes selon les pays, qui définissent les procédures d’acquisition des terrains et l’usage qu’on peut en faire. Dans certains cas et dans certains pays, les terrains peuvent aussi être loués pour de longues périodes. À un certain moment, des territoires ont été morcelés et vendus ou donnés à leurs futurs propriétaires. Ensuite, ils peuvent être vendus ou transmis par héritage, et dans certains cas, soumis à une expropriation ou envahis de force. Il existe des terrains privés, réservés dans la majorité des cas uniquement à leurs propriétaires, et des terrains publics, dont l’accès est ouvert à tous, dans les limites de conditions et de régulations. Dans certains cas, la propriété foncière peut concerner les constructions seules, sans le terrain, ou même des parties d’une construction (comme dans la propriété par étage).
La propriété foncière est un des piliers de nos sociétés, et les gens sont très attachés à leurs terrains, où ils se sentent chez eux, qui leur semble difficilement aliénables et leur donne un sentiment de sécurité, en tout cas comme placement financier. Mais un terrain est un bien statique, qu’on ne peut pas emmener avec soi si on désire déménager, ou si on doit fuir un régime totalitaire, un envahisseur ou des catastrophes naturelles. La plupart des constructions qu’on effectuera sur le terrain ne seront pas non plus transportables ailleurs, mais elles donneront une valeur supplémentaire au terrain.
Dans nos sociétés modernes, la propriété foncière est une des premières aspirations de la plupart des gens. Ils sont prêts à faire de gros emprunts et à travailler, souvent comme des esclaves, pendant la plus grande partie de leur vie, afin d’avoir une maison ou un appartement qui leur appartient. Et même si leurs enfants vont en hériter à leur mort, ceux-ci vont généralement acheter leur propre maison à crédit avant la mort de leurs parents. Le marché immobilier, et tout ce qui en dépend (notamment le marché de la construction), est un secteur important du système capitaliste qui est en train de détruire la planète et de menacer la survie de l’humanité.
Les propriétaires fonciers sont très attachés à leurs terres, et aux constructions qui s’y trouvent, qui sont dans bien des cas leur logement. Et le logement est souvent considéré comme un besoin vital. Aussi les propriétaires vont craindre tout changement, de régime politique, de paradigme ou de réalité, qui pourrait les priver de leur bien, et ils vont généralement soutenir le pouvoir en place, qui semble leur garantir leurs droits. Simplement l’idée d’un monde sans argent les laisse imaginer que leur terrain et leur maison vont perdre toute valeur marchande et qu’ils devront peut-être, sinon les quitter sans compensation financière, du moins les partager avec d’autres. C’est pourquoi les propriétaires fonciers font généralement partie de la majorité consentante.
19 août 2021, Khanom