UN MONDE SANS ARGENT

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Laïcité et économie

1262 Plénitude

1262 Plénitude

J’ai écouté récemment une conférence de Bernard Friot, un militant communiste et syndicaliste, sur le sujet de la laïcité. La laïcité signifierait la souveraineté du peuple, et le refus d’un pouvoir soutenu par des croyances religieuses. Ce ne serait pas une haine de la religion, en particulier de l’islam, sens dans lequel ce mot est souvent utilisé à tort. Dans la société actuelle, les croyances religieuses seraient celles du capitalisme. Défendues et prêchées par un clergé de curés : les écono­mistes et les journalistes (en particulier ceux de la radio entre 6 et 9 le matin), mais aussi les politi­ciens, et même les enseignants qui formatent les enfants pour croire au système et en devenir les esclaves. Il cite cinq croyances qui maintiennent le peuple dans l’asservissement : la croyance que le patrimoine génère de la valeur économique, la croyance dans le marché du travail, la croyance dans la nécessité du crédit pour financer l’investissement, la croyance dans le fait que la réduction du temps de travail est la mesure de la productivité, et la croyance dans le fait que la sécurité sociale est de la solidarité.

Il y a certes de nombreuses idées intéressantes dans cette conférence, mais aussi l’impression désagréable que Monsieur Friot n’est qu’un autre curé qui prêche la religion communiste contre la religion capitaliste. Si on ne peut que constater les faiblesses du système capitaliste et la situation désastreuse dans laquelle il est en train de conduire le monde, il ne semble pas que le système communiste soit meilleur, si on observe les expériences des pays qui l’ont pratiqué.

La première croyance me semble la plus discutable, car Bernard Friot mentionne surtout une sorte de patrimoine, l’outil de travail, qui permet d’exploiter le travail d’autrui. Mais il y a d’autres formes de patrimoine qui génèrent de la valeur sans impliquer le travail d’autrui. La croyance qui me semble en amont de la première, c’est celle du droit à la propriété privée. Car il me semble qu’il n’y a pas que le travail qui puisse générer de la valeur économique, comme le dit Monsieur Friot, et souvent le travail n’est responsable que d’une partie, parfois minime, de la valeur générée, comme c’est la cas dans le commerce. Toute transaction commerciale est fondée sur le droit d’acheter des biens (qui deviennent alors patrimoine, propriété privée) et de les vendre, non seulement des biens mobiliers et immobiliers, mais aussi des biens intellectuels et virtuels. 

Pour mettre en pratiques les idées de Monsieur Friot, il faudrait interdire la propriété privée et nationaliser tous les biens : toutes les terres, toutes les constructions, toutes les entreprises, toutes les denrées, marchandises, matières premières, et tous les objets, afin que plus personne ne puisse vendre quoi que ce soit et en tirer un profit. Mais peut-on nationaliser le cerveau d’un artiste ou d’un inventeur ? 

Cela semble peu réaliste à première vue dans le monde actuel, mais c’est pourtant un modèle de société qui a existé pendant des milliers d’années, par exemple dans les tribus des Indiens d’Amé­rique, mais aussi d’Asie et d’Océanie.

Il s’agirait d’une société sans argent, car l’argent implique la propriété privée et le commerce. Une société avec un salaire à vie pour tous, comme le propose Monsieur Friot, pas un salaire en argent mais en nature. Les fruits du travail de chacun seraient la propriété de tous et seraient parta­gés équitablement afin de satisfaire les besoins (particuliers et différents) de chacun. Une société où chacun fait le travail qui lui plaît, qui est aussi celui pour lequel il est le plus doué, dans un esprit de solidarité pour la communauté. 

Même si cela semble aujourd’hui une utopie, c’est sans doute la seule forme de société qui permettrait à l’homme de vivre dans la paix et l’harmonie. Mais ce genre de vie est-il possible dans des pays et des villes surpeuplés ? Et comment pourrait se faire la transition ? Progressivement et en douceur, ou par une destruction totale du monde existant pour repartir à zéro sur de nouvelles bases plus saines.

Dans une société de ce genre, les croyances dans les notions de marché du travail, de crédit et de productivité n’auraient plus de raison d’être. Mais il faudrait d’abord que l’homme renonce à son avidité compulsive pour l’abondance des produits matériels et virtuels qui inondent le marché dans le monde actuel… et aussi à la liberté que lui donne l’argent (et le système capitaliste) de satisfaire ses désirs matériels, en générant au besoin plus de valeur économique que le permettrait son seul travail physique.

 

11 août 2015, Cabrières d’Aigues

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